lunes, 10 de julio de 2017

PRIX OVIDE 2017


Présentation de Rocío Durán-Barba pour le Prix Ovide 2017
par Alice-Catherine Carls*



    De naissance équatorienne et de nationalité équatorienne et française, Rocío Durán-Barba partage son temps entre ses voyages à travers le monde, et ses lieux de vie, Genève, capitale de la diplomatie, Paris, capitale des arts, et Quito, sa capitale matrice. Trois lieux où elle peut non seulement se ressourcer, mais diffuser leçons, expériences, et plaisirs artistiques et littéraires.

    Juriste, professeur, ambassadrice, poète, romancière, essayiste, attachée culturelle, reporter pour la télévision, artiste-peintre, Rocío Durán-Barba a fait des études poussées dans quatre pays: l’Équateur, les États-Unis, la France, et l’Autriche. Elle a à son actif trois doctorats de droit, l’un de l’Université Catholique de l’Équateur, le second en études internationales et diplomatie de l’Université de Vienne, et un troisième en droit international de la Sorbonne.

    La productivité de Rocío Durán-Barba est époustouflante. Elle a publié plus de quarante livres, 700 chroniques d’opinion, et de nombreux articles. Ses œuvres ont paru sous forme de volume, en revues, dans la presse quotidienne, et à la télévision. Membre de plusieurs groupes de presse, de poésie et de salons littéraires en France, Suisse, Équateur, Argentine, et Bolivie, elle participe à des festivals internationaux et organise des rencontres et des récitals poétiques musicaux. Pour elle engagement et créativité sont synonymes. Elle œuvre pour la communauté qu’elle atteint par des réseaux multiples. Elle dirige une Fondation culturelle en Équateur et une Association poétique en France et est Ambassadrice Universelle de la Culture nommée par l’Unesco. Pas de tour d’ivoire pour cette femme de lettres. Madame l’Ambassadrice est passeuse de culture entre les nations et les spécialités.

    Les trois œuvres proposées pour le Prix Ovide qui récompense un auteur étranger traduit en français, ont paru en 2016. Elles symbolisent la richesse des registres d’écriture de Rocío Durán Barba. Il s’agit d’Équateur, un roman, écrit directement en français, de Regards croisés, un essai sur les peintres équatoriens et les poètes français, et d’un recueil de poésie, Une voix me le dit, écrit directement en français. Ces trois œuvres mettent en rapport des regards multiples sur une même réalité. Elles sont une rencontre entre les cultures équatorienne et française au niveau des arts plastiques et du langage, mais aussi et surtout une véritable décolonisation culturelle dont le but n’est pas seulement la revalorisation de la culture équatorienne, mais le décapage de la culture occidentale.

    Cette démarche s’inscrit dans un programme ambitieux qui nous invite à acquérir une nouvelle conscience culturelle véritablement mondiale. L’écriture de Rocío Durán-Barba efface les frontières entre les genres. Elle utilise roman, poésie, reportage, critique et peinture pour créer – acte indivisible, acte de vie qui libère l’âme et rend sa spontanéité à l’acte de création. On pourrait ainsi voir dans ses œuvres un “musée de l’innocence” tel que le décrit Orhan Pamuk.

    Cette conception s’appuie sur des contrepoints multiples. En contrepoint du monde actuel aveugle et pointu et du mondialisme technologique aliénant, Rocío Durán Barba dévoile des rhizomes, zigzags souterrains de l’Histoire qui forment un terreau parfois meurtrier, parfois créatif, toujours nourricier. Ainsi dans son roman Ici ou nulle part (traduit en français par Claude Couffon) l’auteur, fraîchement débarquée à Paris, se laisse emporter par le fleuve des voix disparues que lui révèle la Ville. Au cours d’un vaste dialogue-promenade avec et dans Paris, l’auteur met en scène un combat épique entre ses impressions et celles que la Ville tente de lui imposer. L’identité, nous le découvrons avec la jeune promeneuse, n’est possible qu’à travers l’ouverture sur une nouvelle façon de voir – ce qui représente une importante prise de position existentielle.

    Un autre contrepoint, peut-être plus classique, montre la complémentarité des cultures occidentales et non-occidentales. Ainsi au regard torturé de Michaux visitant l’Amérique latine en 1929 à la recherche de lui-même, Rocío Durán Barba répond, dans son roman Équateur, par la joie et la solidité profonde de sa culture natale. La présentation à Paris, le 6 octobre, 2016, de ce roman, était en partie lecture, en partie performance avec musique et danse, en partie tableau vivant. Elle faisait entrer le lecteur de plain-pied dans un univers non-linéaire où se chevauchaient les voix, la logique et le merveilleux, les mots et la geste, les couleurs et les sons, créant une farandole du re-commencement du monde.

    Rocío Durán Barba écrit en espagnol et en français. Elle a eu plusieurs traducteurs et traductrices, maintenant elle écrit directement en français. Ceux de langue française sont Claude Couffon et Nathalie Lalisse-Delcourt, l’équipe des ateliers de traduction de la Maison Internationale des Poètes et des Écrivains de Saint Malo, ainsi que Annie Cueva, Estelle Murray, et Martine Guichard. Quel merveilleux chantier d’études sur les techniques et les registres de la traduction!

    Rocío Durán Barba a également été traduite en anglais par Francesca Piana, en arabe par Ahcene Mariche, en kabile par Idir Bellali, en occitan par Guy Mathieu, en slovène par l’équipe de traducteurs du Pen Club de Bled... Sa présence européenne est liée aux cultures méditerranéennes du désert polyglottes, passeuses de culture, et unies à la francophonie par l’Histoire.

    De nombreuses distinctions ont récompensé Rocío Durán Barba tant en Amérique latine qu’en France, où elle reçu la Médaille de la Haute Assemblée du Sénat et la Médaille de Vermeil décernée par la Société Académique Arts- Sciences-Lettres de Paris. Le Cénacle Européen de Poésie, Arts, et Lettres, est très heureux et très honoré de pouvoir lui décerner aujourd’hui son Prix Ovide pour 2017.
Paris, 10 juin 2017

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*Alice-Catherine Carls (Doctorat d’Histoire des Relations Internationales de Paris I, mastère de langue et civilisation allemande, License de polonais) est Tom Elam Distinguished Professor of History à l’Université de Tennessee à Martin. Elle collabore régulièrement aux revues Public Justice Report, Poésie Première, Le Journal des Poètes, World Literature Today, et Recours au Poème. Elle partage ses activités entre la recherche historique, les traductions littéraires (du polonais et de l’anglais américain en français), et les articles de critique littéraire. Elle a été publiée en polonais, allemand, anglais, et français ; en Hongrie, Pologne, Allemagne, Suisse, France, Belgique, et aux Etats-Unis.